POUR POUVOIR HABITER, TRAVAILLER
ET PARTICIPER
Pour l'immense majorité d'entre nous, la raison principale de notre départ est la recherche de paix et de liberté. Nous sommes partis pour notre sécurité, pour sauver nos vies.
Beaucoup d'entre nous viennent du Biafra, où nous ne sommes pas traités comme des citoyens. Nous n'avons pas le droit de nous exprimer ni de protester, nous n'avons pas de voix. Si nous protestons, nous nous faisons tirer dessus. En tant que biafran au Nigeria, nous ne sommes pas en sécurité, nous nous faisons contrôler même sur nos propres terres. La situation s'empire de jour en jour et les tueries sont constantes.
C'est pour cette raison, et celle-ci dépasse toutes les autres, que nous sommes partis, peu importe où. Nous essayons simplement de nous sauver, nous sentir en sécurité. C'est un droit humain.
Maintenant que nous sommes partis, nous portons la responsabilité d'aider ceux et celles qui sont encore en danger au pays. C'est pourquoi, malgré toutes les difficultés que nous rencontrons ici en Suisse, nous ne pouvons repartir en arrière, nous avons besoin d'un salaire pour aider nos proches.
Nous voulons commencer une nouvelle vie, nous intégrer et appartenir à ce pays, vivre comme des citoyens ordinaires. Nous ne sommes ni une menace ni des voleurs, nous voulons contribuer et participer à la société.
Nous voulons apprendre et sociabiliser avec les gens. Mais l'intégration sociale est rendue impossible par la vie que nous menons : sans toit ni travail, nous ne pouvons pas vivre comme les autres, nous sentir connectés à elleux. Avoir un emploi est une condition nécessaire pour créer du lien avec d'autres : lorsque l'on nous demande ce que nous faisons, qu'avons-nous à répondre? Lorsque nous disons que nous ne travaillons pas, nous sommes rapidement jugés. Nous voulons être fiers de ce que nous faisons et nous intégrer à la population.
L'immigration ne peut pas être arrêtée, personne ne sera dissuadé de venir. Interdire aux personnes migrantes de travailler ne va pas les empêcher de venir. Les gens partent pour sauver leur vie.
Les personnes migrantes sont perçues comme la cause de tous problèmes. Mais le véritable problème, c'est que le système nous empêche de contribuer à la société. Nous demandons l'opportunité de participer, nous serions même heureux de payer des impôts. S’il nous est donné le droit de travailler, nous contribuerons et c'est tout ce que nous voulons.
Dans d'autres pays, nous avons la possibilité de travailler et ainsi d'obtenir un logement, de quitter la rue. Sauf qu'ici nous n'en avons pas le droit, alors que pouvons-nous faire ?
Même lorsque nous trouvons du travail, nous le perdons, car nous n'avons pas les papiers. Les papiers ne devraient pas être impossibles à obtenir. Nous essayons de nous intégrer et nous ne demandons que la possibilité de le faire.
Nous sommes conscients que les autorités font de leur mieux, mais nous savons aussi qu'elles peuvent créer des lois locales, que tout ne doit pas être décidé au niveau fédéral. Lausanne, Prilly, Renens et le canton de Vaud peuvent s'organiser pour nous régulariser localement. Tout le monde connait notre existence, nous sommes enregistrés au bureau des réservations, nous allons à la soupe populaire tous les jours, pourtant, nous n'avons pas le droit de nous projeter dans un avenir ici. Tout le monde y perd. Nous voulons participer et contribuer à la société. Nous sommes reconnaissants de l'aide que nous recevons, mais cette situation est déshumanisante : nous ne sommes pas ici pour ne faire que manger et dormir. Nous demandons une chance de construire une nouvelle vie. Nous voulons appartenir à la société et ne demandons que l'opportunité de le faire.
La majorité d'entre nous avons la capacité de travailler, mais nous n'en avons pas l'opportunité. Quand nous avons faim, nous sommes obligés de faire ce qu'il y a à faire pour survivre. Notre situation nous force à faire des choses illégales. Nous demandons simplement la possibilité de faire ce qu'il est juste de faire.
Face à la police, nous n'avons pas l'impression d'être des citoyens ordinaires, nous avons l'impression d'être des victimes. Nous avons peur de la police, parce que nous avons peur du système suisse qui ne nous permet pas de vivre comme des gens normaux, d'appartenir à cette société. Cela nous rend la vie encore plus dure que ce qu'elle est déjà. Cette peur affecte notre santé mentale, ce n'est pas normal de devoir vivre comme ça.
Il y a trop de monde par rapport aux places disponibles. Nous savons que les villes de Lausanne, Prilly et Renens font de leur mieux, nous savons que le canton de Vaud fait de son mieux, mais nous leur demandons de faire plus, ne serait-ce qu'en installant des tentes. L'hiver approche, c'est dangereux de dormir dehors. Vous allez devoir ramasser des corps morts dans les rues.
Nous sommes traités comme des enfants, on nous impose un couvre-feu et nous n’avons pas le temps de nous reposer. À huit heures, nous devons quitter les hébergements d'urgence, mais pour aller où ? Dans les rues où l'on n’a pas envie de nous voir ? Nous voulons simplement un endroit pour nous reposer, réfléchir et nous projeter.
Nous sommes reconnaissants pour tout ce qui est fait pour nous, nous savons que les autorités politiques font de leur mieux, mais nous avons besoin d'opportunités pour pouvoir nous intégrer et faire ce qu'il est juste de faire. Nous voulons être régularisés. Nous demandons une chance, une possibilité d'obtenir un permis pour pouvoir nous projeter dans l'avenir.
Nous voulons nous sentir en sécurité en ville, avoir accès aux services publics de base, à la santé et à l'éducation. Nous voulons trouver un endroit où nous reposer, cuisiner et dormir. Un endroit que nous pouvons appeler "chez nous", où nous pouvons vivre comme des citoyens ordinaires et ainsi commencer une vie nouvelle, s'intégrer dans la société et y prendre part.
Notre présence ici n'est pas une menace, nous ne sommes pas le problème. En rendant nos vies stressantes, fatigantes, en nous criminalisant et en nous harcelant, nous sommes poussés à faire ce que vous ne voulez pas qu'on fasse. La paix est impossible quand le système nous traite comme des animaux, fragilise notre situation, notre santé, nous prive d'opportunité, nous désempouvoire et nous ôte notre autonomie.
Beaucoup d'entre nous sont ici depuis des années. Nous sommes tous déjà là. La charité nous aide à survivre et nous en sommes reconnaissants, mais nous voulons faire plus que cela, nous voulons appartenir à cet endroit, faire partie de la société et y participer.