Pour des hébergements d’urgence ouverts
à toustes
Il n’y a pas assez de places dans les hébergements d’urgence. Comment savoir qui peut prétendre à un lit ? Avec des systèmes de catégorisation et de priorisation. Ces priorisations se basent aujourd’hui sur des critères absurdes comme le statut administratif des personnes (leur statut de séjour et leur lieu de domicile). Le collectif 43m² lutte pour l’arrêt de ces priorisations qui reflètent, dans la pratique, une forme de racisme structurel : dans les faits ce sont globalement des personnes étrangères et racisées qui sont obligées de dormir dehors.
L’inconditionnalité, un principe constitutionnel
non respectéLa Constitution du Canton de Vaud promeut une politique compassionnelle. En témoigne l'article 33, alinéa 1 de sa Constitution : « Toute personne dans le besoin a droit à un logement d'urgence approprié et aux moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine ».
Cette approche repose sur un sentiment de responsabilité envers la détresse d'autrui, prônant une aide inconditionnelle indépendamment du genre, de la religion, de l'âge, de l'opinion politique, de la nationalité, de la situation administrative ou encore de l'histoire personnelle, et ce, sans contrepartie.
Évidemment, dans les faits, les usager·ères font face à un décalage entre le discours et la réalité, car inconditionnalité et pénurie ne sont pas des principes compatibles.
Que se passe-t-il quand le dispositif est saturé ? Il faut faire du tri, accueillir certaines personnes et en refuser d’autres. L’accès aux lits d’urgence est restreint par des pratiques administratives que les chercheur·euses appellent « cantonnement catégoriel » (Gardella, 2014) : le principe d’inconditionnalité ne vaut pas pour toutes les catégories de personnes.
Si certains critères de priorisation se basent sur des besoins réels, comme les critères sanitaires (pathologies chroniques ou vieillesse), d’autres se basent sur la nationalité, le permis de séjour ou encore le lieu de domicile.
Les critères de priorité à Lausanne et dans le reste du Canton de Vaud
À Lausanne, un système de catégorisation et de priorisation des usagers·ères est géré par le « Bureau des Réservations », créé en 2012. Chaque personne qui fait la demande d’un lit pour la nuit est classée dans l’une des trois catégories créées, afin de gérer le manque de places.Cette priorisation est contraire au principe même d’inconditionnalité et crée plusieurs inégalités de traitement.
Les personnes faisant partie du groupe G1 n’ont pratiquement aucune chance de se voir refuser un lit pour la nuit, alors les personnes faisant partie du Groupe G3 sont très régulièrement contraintes de dormir dehors.
Aussi, le Groupe G1 se voit accorder de plus longues périodes de réservation et peut rester dans le même hébergement plus longtemps. Selon un pointage annuel du profil des usager·ères réalisé par Unisanté (Unisanté, 2021, pp.22-25,52), le groupe G1 passe en moyenne 48 nuitées par année dans le dispositif d’hébergements d’urgence alors que le groupe G3 en passe 28.
Critères de priorisation au Bureau des réservations de Lausanne
G1 = comprend toutes les personnes qui résident à Lausanne ou dans le Canton de Vaud depuis plus d’un an et qui disposent, soit de la nationalité suisse, soit d’une autorisation de séjour (permis B) ou d’établissement (permis C).
G2 = est composé de personnes considérées comme vulnérables, soit de femmes, d’enfants, de personnes de plus de 60 ans ou atteintes d’une maladie chronique. Aux personnes vulnérables s’ajoutent celles qui ont un contrat de travail ou un problème de santé passager. Elles forment le groupe G2T (“temporaire”).
G3 = comprend toutes les personnes qui ne correspondent pas aux catégories prioritaires. Il s’agit principalement d’hommes, assez jeunes, qui n’ont ni un contrat de travail, ni un statut de résidence, ni un problème de santé.
L’exemple de Lausanne est bien documenté, mais de Vevey à Nyon, les hébergements accueillent en priorité les résidents suisses ou détenteur de permis B ou C et cela même si les refus sont nettement plus bas, puisque le sans-abrisme reste concentré dans les centres urbains.
Un système de priorisation qui reproduit du racisme structurelLe tri basé sur le statut administratif ne repose sur aucune réalité sociale.
Au mieux, il s’agit d’une mesure bureaucratique de droite néolibérale stipulant que «chaque commune gère ses propres pauvres ».
Au pire, il s’agit en fait d’une «priorité nationale» déguisée.
Quoi qu’il en soit, cette priorisation rend les pratiques bureaucratiques indéniablement racistes et xénophobes. En l’occurrence, il s’agit d’une forme de racisme structurel particulièrement frappante, puisqu’il concerne des situations d’urgence sociale : l’obtention ou non d’un lit d’urgence pour la nuit.
La catégorie G3 est principalement composée d’hommes isolés originaires du continent africain. Les personnes qui dorment dehors à cause du manque de places dans les hébergements d’urgence, les personnes à qui on dit « non » sont, pour l’écrasante majorité, des hommes racisés.
Les Actes de la table ronde rédigés par la Haute École de Travail Social de Lausanne précisent que « les catégories d'accès aux structures d'hébergement d’urgence sont identifiées comme problématiques à plusieurs égards » et qu’elles « engendrent un système discriminatoire (notamment pour des personnes sans statut de séjour légal, souvent des jeunes hommes racisés, ou encore les familles nombreuses) en contradiction avec les valeurs de nombre d'acteur·ices du terrain.» (Bertho et al., 2022, p.24).
« Le fait d'être systématiquement non priorisé, donc rejeté par le dispositif, produit une vulnérabilité non reconnue comme telle par le système ». (Martin et al., 2022, p.175)
Nationalité et permis de séjour, des facteurs excluants des hébergements d’urgence
Selon l’Office Fédéral de la Statistique, en Suisse, une personne étrangère a presque deux fois plus de chances de passer sous le seuil de pauvreté qu’un·e suisse·sse. Trois fois plus s’il s’agit d’une personne étrangère non européenne [1].
Selon une étude du Fonds National de la recherche Scientifique publiée en 2022 [2], 83,2% des personnes sans-abris sont de nationalité étrangère donc « les étrangers sont nettement plus souvent touchés par le sans-abrisme que ne l'indique leur proportion d'environ 26% de la population résidente permanente en Suisse » (Dittmann et al., 2022).
La nationalité, et par extension les statuts de séjour, sont des facteurs de précarisation bien documentés, comment se fait-il que les hébergements d’urgence, des structures censées s’adresser aux plus précaires, en fassent aussi des facteurs d’exclusion ?
43m² se bat pour l’instauration d’un réel principe d’inconditionnalité dans les HU…
43m² se bat pour l’instauration d’un réel principe d’inconditionnalité dans les HU…
En somme, les politiques sociales mises en place dans le Canton de Vaud alimentent un processus d'exclusion en créant des vulnérabilités spécifiques.
Ces choix délibérés des politiques sociales, participent de l’érosion du principe d'inconditionnalité via des cantonnements catégoriels (exclusion de groupes entiers) et des cantonnements indirects (politiques de dissuasion).D’autres mesures peuvent être mises en place, afin de tendre vers davantage de droits et d’égalité l’accès aux hébergements d’urgences :
- Des projets de régularisation des personnes sans papiers comme l’opération Papyrus à Genève. Les plateformes qui luttent dans ce sens (Plateforme des sans-papiers Suisse, de papyrus Vaud ou Genève – liens plus bas) témoignent des bienfaits d’une telle mesure sur l’accès aux prestations sociales et au logement. https://archive-ouverte.unige.ch//unige:175089
– L’instauration d’une City Card (mise en place en 2022 à Zurich par exemple), une carte citoyenne municipale qui permet aux personnes sans-papiers de s'identifier formellement. Elle est émise par les autorités communales, accessible à toute personne habitant la ville, afin de garantir des droits indépendamment de leur titre de séjour ou de leur statut migratoire.
[1] https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/situation-economique-sociale-population/bien-etre-pauvrete/pauvrete-privations/risque-pauvrete.assetdetail.30526432.html
[2] https://www.fhnw.ch/plattformen/obdachlosigkeit/wp-content/uploads/sites/234/Resume_Francais_OBDACH_Dittmann_Dietrich_Stroezel_Drilling.pdf
Lire la brochure (soon...)
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Pour davantage de places dans les hébergements d’urgence !
43m² milite pour l’extension du dispositif d’hébergements d’urgence vaudois. L’aide aux sans-abris est aujourd’hui pensée
comme une “politique de la pénurie” : les politiques décident
intentionnellement de ne pas ouvrir assez de places dans les hébergements
d’urgence. Cette gestion se fonde sur l’argument de « l’appel
d’air », une hypothèse réactionnaire et déconnectée des analyses
scientifiques, selon laquelle plus il y a de places dans les hébergements
d’urgences, plus il y aurait de sans-abris. Le collectif 43m² milite pour un
changement de cap dans la prise en charge du sans-abrisme et pour l’ouverture
de nouveaux hébergements.
Pour des hébergements d’urgence ouvert à tous.tes !
Il n’y a pas assez de
places dans les hébergements d’urgence. Comment savoir qui peut prétendre à un
lit ?
Avec des systèmes de catégorisation et de priorisation.
Ces
priorisations se basent aujourd’hui sur des critères absurdes comme le statut
administratif des personnes (leur statut de séjour et leur lieu de domicile). Le collectif 43m² lutte pour l’arrêt de ces
priorisations qui reflètent, dans la pratique, une forme de racisme
structurel : dans les faits ce sont globalement des personnes étrangères
et racisées qui sont obligées de dormir dehors.
Pour une décriminalisation du sans-abrisme et la fin de la répression !
43m² revendique l’abrogation de toutes les lois (ou autres
normes ayant force de loi) visant même indirectement à criminaliser les
personnes sans-abri et leurs pratiques de survie.
Alors
même que les places en hébergement d’urgence sont insuffisantes et que les
personnes sans-abri n’ont d'autre lieu que l’espace public où dormir et vivre,
la criminalisation et la pénalisation de leurs pratiques de survie (amende pour
dormir dehors, interdiction de la mendicité, etc.) constituent des moyens
privilégiés pour leur mise à l’écart.
43m² lutte pour l’abrogation des lois interdisant les personnes sans-abri de dormir
dehors et pour la fin de tout type de harcèlement policier visant leur mise à
l’écart.
Des logements pour tout le monde !
43m² milite pour que le logement
soit considéré comme un droit fondamental et inconditionnel.
La gestion actuelle
du sans-abrisme est pensée autour de l’urgence : une aide ponctuelle est
proposée (l’hébergement d’urgence), mais elle ne permet pas de mettre un terme
au sans-abrisme. Pour ce faire, 43m² demande la mise en place d’un programme
politique et social basé sur le logement, tel que le « Housing First ».
Le « Housing First » ou « logement d’abord » est une
approche qui propose d’offrir aux sans-abris un logement inconditionnel et
permanent le plus rapidement possible. D’autres pistes sont également
envisagées autour de la question du mal logement : davantage de logements
abordables, le recensement et la réglementation des
bâtiments vacants, ou encore des politiques étatiques interventionnistes sur le
marché de l’immobilier.
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